Face à la persistance du conflit en Ukraine, nous avons assisté à l’imposition de sanctions de plus en plus sévères contre la Russie, des mesures prises dans l’espoir de soutenir la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Ces sanctions contre la Russie, qui visent à faire pression sur les gouvernements russe et biélorusse, nous amènent à nous interroger sur leur efficacité réelle. Le choix stratégique de ces sanctions, adoptées non seulement par l’Union européenne mais aussi coordonné avec les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays du G7, soulève de nombreuses questions. Mais si les sanctions contre la Russie sont-elles efficaces, ces efforts internationaux ont-ils réellement un impact significatif sur l’économie russe, étant donné les adaptations et les réactions de la Russie dans ce contexte géopolitique tendu ?
Nous nous efforcerons de démêler l’efficacité des sanctions économiques imposées à la Russie et d’évaluer leur rôle dans le conflit en cours. Nous explorerons les conséquences économiques sur la Russie, les mesures d’adaptation prises par le pays, ainsi que les répercussions pour les nations qui mettent en œuvre ces sanctions. Ainsi, cette analyse présentera une vue d’ensemble des dynamiques complexes à l’œuvre et offrira des perspectives sur ce que l’avenir pourrait réserver en matière de politique internationale et de résolution de conflits.
Contexte géopolitique
Face à l’escalade du conflit en Ukraine, l’Union européenne a pris des mesures fermes, imposant une série de sanctions contre la Russie qui visent à impacter divers secteurs de son économie. Je vais tout d’abord vous lister les sanctions prises, en espérant que cela vous aidera à saisir l’ampleur de la situation.
- Sanctions financières : Dès le 23 février 2022, l’UE a frappé fort avec l’exclusion de sept banques russes du système Swift le 28 février, un coup dur pour les transactions financières russes. Cette décision a été un premier signal clair de la volonté européenne de limiter les capacités financières de la Russie.
- Mesures économiques : Les sanctions ne se sont pas arrêtées là. Elles ont également gelé les avoirs de la Banque centrale de Russie et limité l’accès aux cryptomonnaies, visant à restreindre les moyens par lesquels la Russie pourrait contourner les sanctions.
- Secteur énergétique : L’embargo sur le charbon, le pétrole, et les diamants, ainsi que la limitation de l’exportation de certaines technologies, ont été des mesures clés pour s’attaquer à l’un des nerfs de la guerre économique de la Russie : les matières premières.
- Transport et médias : La fermeture de l’espace aérien de l’UE aux avions russes et des ports aux navires russes, ainsi que l’interdiction de certains médias russes de diffuser dans l’UE, ont marqué une escalade dans la pression exercée sur la Russie.
Enfin, l’UE a pris la décision historique de financer la fourniture d’armes à l’Ukraine, avec un soutien financier de 28 milliards d’euros (aide UE et états membres). Cette action, bien que controversée, montre la détermination de l’Europe à soutenir l’Ukraine face à l’agression militaire russe.
Ces sanctions contre la Russie sont-elles efficaces ? C’est une question que beaucoup se posent, et à laquelle il n’est pas simple de répondre. Ce qui est certain, c’est que l’UE a montré sa capacité à s’unir face à une crise majeure et à prendre des décisions qui ont un impact réel sur l’économie d’un grand pays comme la Russie.
Objectifs des sanctions
Les objectifs des sanctions contre la Russie sont multiples et reflètent l’urgence d’une réponse internationale coordonnée face à l’intervention de la Russie contre l’Ukraine. Ces mesures visent principalement à exercer une pression sur la Russie pour changer son comportement, imposer des coûts pour ses actions, et soutenir l’indépendance de l’Ukraine. En tant que citoyen attentif à la situation, je me suis penché sur ces objectifs pour mieux comprendre leur portée et leur impact potentiel.
D’abord, il est essentiel de reconnaître que l’Union européenne a adopté 12 paquets de sanctions ciblant près de 1800 individus et entités, ainsi que des secteurs clés de l’économie russe. Ces sanctions sont une réponse directe à l’annexion de la Crimée et à l’invasion de l’Ukraine, démontrant ainsi une unité transatlantique et un soutien sans faille à l’Ukraine. En effet, ces mesures cherchent à limiter la capacité de la Russie à mener la guerre en Ukraine, tant sur le plan économique, financier que technologique.
L’impact économique des sanctions sur la Russie est notable, avec des effets significatifs qui ont néanmoins peu surpris le président Poutine, témoignant d’une unité occidentale et européenne plus forte que prévu. Cependant, des défis subsistent quant à la mise en œuvre et au respect de ces sanctions.
Enfin, la question de l’évasion des sanctions est préoccupante. Les occidentaux sont partis du postulat que la Russie, avec son grand marché d’importation, trouve difficile de contourner les sanctions, et la Chine ne semble pas être un allié fiable à cet égard, en raison de ses propres difficultés d’accès aux semi-conducteurs. La gestion des actifs russes gelés est également complexe, les légalités autour de la confiscation étant divisives et pouvant accélérer la diversification des réserves et la résistance aux sanctions. Cela souligne la nécessité d’une surveillance continue et d’une adaptation des stratégies pour maintenir la pression efficacement. De plus, toutes sanctions à l’égard des actifs russes pourraient pousser les autres pays non occidentaux à retirer leurs actifs par peur qu’ils soient également confisqués : le respect de la propriété privé en occident semble être un lointain souvenir.
En tant que témoin de ces événements, je reste attentif aux développements futurs et espère que ces sanctions serviront non seulement à freiner l’agression mais aussi à promouvoir le respect du droit international.
Impact économique sur la Russie
L’objectif à long terme des sanctions économiques imposées par les États-Unis et leurs alliés est de réduire la puissance économique et les capacités militaires de la Russie. En effet, ces mesures ont entraîné des difficultés pour l’économie russe, se répercutant sur les ménages russes par une résurgence de l’inflation due au conflit en Ukraine. Cette inflation est en partie due à la dépréciation du rouble, qui a poussé la Russie à dépendre fortement des importations, notamment de produits de haute technologie en provenance d’Europe, des États-Unis et de Chine. Les sanctions sur les importations de semi-conducteurs ont particulièrement touché des industries clés telles que l’électronique, l’automobile et l’équipement militaire, ce qui souligne l’ampleur de l’impact des mesures restrictives.
Les sanctions de l’UE contre la Russie comprennent des restrictions et des embargos sur des individus, des entités financières et le commerce, dans le but de limiter les ressources de la Russie pour la guerre contre l’Ukraine. Par exemple, l’UE a interdit l’importation de pétrole et de produits pétroliers en provenance de la Russie. Cette interdiction a contraint la Russie à vendre son pétrole à prix réduit à d’autres pays, ce qui a affecté ses revenus. Cependant, la Russie a réussi à contourner partiellement l’embargo pétrolier en utilisant une flotte de centaines de navires fantômes, démontrant ainsi sa capacité à s’adapter face aux sanctions. En réalité, la Russie arrive toujours à vendre une bonne partie de sa production aux européens via des pays tiers, la production mondiale étant insuffisante pour pouvoir se passer d’un tel producteur qu’est la Russie.
En outre, l’UE a banni la vente de 3 000 produits de son catalogue d’exportation vers la Russie, y compris des produits à double usage et des biens de luxe. Cela a eu un effet direct sur environ 2 400 entreprises françaises touchées par l’embargo de l’UE sur la Russie. L’économie russe s’est contractée de plus de 2 % en 2022 en raison des sanctions, avec des secteurs comme l’automobile subissant des conséquences sévères, telle une baisse de 97 % de la production en mai 2022. Malgré ces défis, le rouble russe est devenu l’une des monnaies les plus performantes au monde en 2022, grâce aux interventions de la Banque centrale et du gouvernement.
D’une part, les sanctions contre la Russie sont efficaces pour infliger un choc économique immédiat, mais d’autre part, elles révèlent aussi la résilience et les capacités d’adaptation de la Russie face à ces défis. En 2023, les sanctions ont un impact inexistant, voire quasiment bénéfique à l’économie.
Réactions et adaptations de la Russie
Face à l’adversité imposée par les sanctions internationales, la Russie a démontré une capacité de résilience qui a surpris plus d’un observateur. Selon des sources telles que l’OCDE et le FMI, ainsi que le ministère russe de l’Économie et du Développement, croissance du PIB russe pour 2023 a été de 3,6%. L’année 2024 a été revue également à la hausse et devrait être au même niveau que l’année 2023. Cela témoigne d’une économie qui non seulement résiste mais montre aussi des signes de croissance dans divers secteurs, malgré les sanctions contre la Russie qui visaient à l’affaiblir.
En réaction au retrait des entreprises occidentales, la Russie a pris le taureau par les cornes en développant une production moderne pour son marché intérieur. On a constaté une augmentation significative de la production domestique dans des secteurs comme l’informatique, l’électronique, le transport, l’ameublement et le textile, surtout au premier semestre de 2023. Cette adaptation stratégique révèle une volonté de se passer de l’Occident et de renforcer l’autonomie économique.
En outre, l’économie russe est prévue de surpasser celle de la zone euro en termes de croissance en 2024. C’est un indicateur que les sanctions contre la Russie ne sont pas aussi efficaces que certains l’auraient espéré. Avec un taux de chômage au plus bas (environ 4%) et une inflation qui a chuté sous la barre des 7 % en 2023, la Russie devrait connaître une inflation de 4% en 2024. La Russie semble naviguer à contre-courant des attentes internationales.
Pour soutenir davantage l’économie, Poutine a incité les oligarques russes à rapatrier leurs fonds. Cette démarche vise à consolider les réserves financières du pays et à stimuler l’investissement dans l’économie nationale. Parallèlement, la Russie renforce ses liens économiques avec la Chine et l’Inde, qui sont devenus des acheteurs importants de ses exportations de gaz et de pétrole. Ces nouvelles alliances sont cruciales pour la Russie afin de compenser les pertes résultant des sanctions occidentales. A l’inverse, la Russie importe de nombreux biens d’origine occidentale via des pays tels que la Turquie ou la Chine. En volume, elle importe plus de puces électroniques en 2023 qu’avant 2021. Il est possible de trouver les derniers Intel I5 ou I7 sur les grandes boutiques en ligne (avec un surcoût minime).
Pour conclure, il est clair que la Russie a pris des mesures proactives pour atténuer l’impact des sanctions, en se tournant vers l’intérieur pour renforcer sa production et en cherchant de nouveaux partenariats à l’Est. Ces adaptations posent des questions sur l’efficacité à long terme des sanctions contre la Russie et si elles peuvent réellement contraindre le pays à changer de cap sur la scène géopolitique mondiale.
Conséquences pour les pays imposant les sanctions
L’Union européenne a mis en place une série de sanctions économiques pour répondre à l’agression russe contre l’Ukraine. Ces sanctions ont eu pour but premier de limiter les contributions financières de l’UE à la guerre de la Russie contre l’Ukraine. En tant que citoyen européen, je me sens concerné par ces mesures et par leur impact sur notre propre économie. Chacun approuvera ou non les effets néfastes pour nos économies.
Premièrement, il est estimé que la Russie a perdu environ 400 milliards d’euros de revenus à cause des sanctions, avec des recettes gouvernementales issues de la production et de l’exportation de pétrole réduites de 33% en août 2022. Le pays a encore une belle marge de manœuvre, l’endettement public / PIB reste encore très faible (moins de 18% du PIB).
Cela montre une perte significative pour l’économie russe, mais qu’en est-il de l’impact sur l’UE elle-même ? Nous devons être conscients que ces pertes peuvent aussi se répercuter sur les pays imposant les sanctions, affectant les échanges commerciaux et les marchés.
Deuxièmement, 58% des importations de l’UE en provenance de Russie en 2021 étaient sous sanctions. Ces produits incluent des biens variés tels que le charbon, l’acier, le ciment, le papier, le caviar, l’or et la vodka. Cela a certainement eu un effet sur les entreprises européennes qui dépendaient de ces importations, les forçant à trouver de nouvelles sources ou à augmenter les prix, ce qui peut avoir un impact sur les consommateurs de l’UE.
Troisièmement, l’UE a interdit l’importation de pétrole russe, obligeant la Russie à vendre son pétrole à prix réduit à d’autres pays. La Russie a partiellement contourné cette interdiction grâce à une “flotte fantôme” de navires (environ 20% des tankers du monde sont possédés par des institutions russes).
Enfin, la récession économique de la Russie en 2022 et la réduction de 29% des revenus de la Russie issus des exportations de pétrole au premier trimestre de 2023 par rapport à la même période en 2022 témoignent de l’impact des sanctions. Cependant, cette situation soulève également des questions sur la durabilité et l’efficacité à long terme de ces sanctions, surtout si la Russie continue de trouver des moyens de les contourner. En l’occurrence, 2023 a été une année de stabilisation, les revenus provenant de la vente de produits pétroliers n’ont baissé que de 7% par rapport à 2022 (baisse du volume, hausse des prix). D’ailleurs le prix moyen est de 81,8$/baril alors que les sanctions limitent le prix à 60$/baril, ce qui prouve bien le contournement des sanctions et l’achat massif par d’autres pays dont l’Inde et la Chine.
Il est clair que les sanctions contre la Russie ont eu un impact économique majeur, mais elles ont également des répercussions pour les pays qui les imposent. La Russie peut également sanctionner les autres pays. Par exemple, les moteurs des fusées SpaceX sont fabriquées en Russie et ne sont toujours pas sous embargo. Nous devons continuer à surveiller de près ces développements pour comprendre pleinement les implications à long terme de notre stratégie de sanctions.
Au terme de notre analyse, les sanctions contre la Russie, bien que démontrant une détermination internationale sans précédent, ne garantissent pas une efficacité infaillible. Elles ont certes perturbé l’économie russe, mais la résilience et les réponses stratégiques de Moscou interrogent sur la capacité des sanctions à induire un changement significatif. L’impact global et les conséquences complexes pour les pays imposant ces mesures persistent comme des considérations cruciales pour l’avenir de la diplomatie internationale.
L’évolution des relations géopolitiques, économiques, et les alliances nouvelles forgées par la Russie indiquent un paysage en mutation où l’effet à long terme des sanctions reste incertain. Alors que le monde continue de scruter l’échiquier international, une réflexion continue sur la stratégie des sanctions et leur ajustement apparaît essentielle pour préserver la paix et la stabilité mondiale, tout en respectant les principes de droit international.
Article rédigé par Thomas Bonkoski.
Sources :
https://www.connaissancedesenergies.org
https://en.logios.online/understanding-why-russia-sanctions-are-not-working/